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11 avril 2015 6 11 /04 /avril /2015 20:10




Réveillée par le même passereau de l'avant-aube en ce matin du dimanche 6 décembre, je m'activais à la propreté de l'appartement deux heures durant avant que le "jour" ne se lève.
Il convenait de nommer "jour" cette lueur blanchâtre qui "éclairait" le ciel de ce matin d'hiver bougon, grognon comme on en fait peu.
Soudain, tandis que les sols séchaient, ma nuisette rouge me collant à la peau, je surpris l'instant et tentais de le décrire. Du matin jusqu'au soir je guettais ce dimanche semblable à bien d'autres dimanches sans fin.

Ce dimanche au présent :


La lune poreuse boit en transparence
Les forces bleutées du matin souffreteux
Peinant à naître, la lune s'étale peu à peu
Tout se tait, les forces en présence se concentrent


Les pigeons croisent leurs ombres noires
En diagonales raturant l'espace vierge
Les nuages s'amassent bourgeonnant à l'ouest
Tout se tait, tout semble vouloir s'accroître


La demi-lune pâle se gonfle, enfle
Suspendue haut dans la craie du ciel
Quelques arbres dressent leurs squelettes maigres
Aux bouts desquels palpitent ovales et fière

 

 

De rares pépites vertes dévorées d'or
L'automne humide résiste sans fièvre
A l'offensive douce d'un hiver mièvre
La lune claire doucement s'évapore


Le ciel comme un mal blanc s'avance
Blêmissant, asphyxiant toute lumière
Le vent se lève, les oiseaux se terrent
Les feuillages palpitent ensemble


De larges gouttes s'écrasent sur les tuiles
Orangées, le temps des horloges semble
S'arrêter, pour livrer à décembre
Cet interminable dimanche inutile


Les fenêtres des maisons s'éclairent
Qui dans la cuisine, qui dans le salon
Une guirlande jaune, bleue et rouge pend
Du plafond jusqu'au parquet clair


Derrière une fenêtre, dressé un petit voilier
Tache de blanc l'espace sombre délimité
Des figures grises, blanches, rouges s'étreignent
Lentement des voitures se traînent


Des passants en anorak tendent leurs parapluies
Le flot de la circulation reprend plus hardi la route
Des femmes traînent des valises à roues
Un journal mouillé, arraché, se plie et se replie


Esquissant d'improbables formes animales
La pluie crisse, trisse dans les couleurs des phares
Chapeau, bonnet, écharpe, cache-nez parent
Les passants dans leurs parades dominicales


La nuit s'abat noire sans aucun bruit.
Dans toutes ces rues que de vies
Se suivent, se quittent, s'évitent
En sempiternelles poursuites


La fenêtre de la chambre ouverte
S'emplit d'un air frais humide
Je souffle mon haleine contre la vitre
Et sculpte dans la buée une silhouette


La chatte esquisse un jeu bref entre le rideau
Et la plante géante puis se dédie et disparaît.
Les journées de mon enfance secrète avaient
Ce même goût d'abandon à l'observation



Le ventre noué, j'inventais des jeux silencieux
Je priais d'absentes madones, d'invisibles dieux
Je chantais, me faisais rire, pleurer à volonté
Devant des miroirs où j'apparaissais démultipliée

 

J'attisais le silence, je pactisais avec l'Indicible
Je tapissais l'Absence de vivantes forces, de grands mystères
J'étais humble religieusement, j'étais solitaire et fière
J'avais peur sans oser l'avouer, j'avançais si fragile


Un jour, Kennedy est mort à la télé, et on m'a fait taire
Un jour, Angela Davies a été menottée et les black panthers
Un jour, un gros homme borgne parlait pour les présidentielles
Un jour, j'ai été enlevée par les extra-terrestres à Noël


Un jour, je voulais aller à l'île de Pâques à la Pentecôte
Traverser le triangle des Bermudes à faible altitude
Achever les châteaux de Louis II de Bavière en pierre dure
Interdire la viande saignante, les endives et les carottes


Un jour je voulais être médecin Sans-Frontière au Biafra
Je voulais que mon voisin Anselme joue avec moi et m'aime
Je voulais que ma mère revienne après sa mort et m'emmène
Je voulais habiter Hosanna, être fiancée à Ché Guévarra


 

 

Chanter "Satisfaction", "Paint it black" with Mick Jagger
Garder en vie pour moi toute seule Chet Baker
Danser toute nue sous des bananes comme Joséphine Baker
Écrire "Les Misérables", dire la messe, peindre en rouge et vert


Un jour je voulais être orpheline complètement
Et supprimer le statut de parents définitivement
Je voulais être Reine de La Nuit ou Reine des Neiges
Je voulais qu'au moins une personne me comprenne


Maintenant je veux que les garçons soient des gâteaux
Qu'ils me regardent et qu'ils m'aiment
Je les ferai sans trop de crème
Je les regarderai lever et cuire dans mon fourneau


Je couperai de belles portions tous les matins
Et tous les jours je mangerai à ma faim
J'inventerai la recette du gâteau de Chet
Je recevrai le prix Nobel de la Fée Clochette.

 

 

 

 

 

V.V

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