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8 avril 2015 3 08 /04 /avril /2015 23:26



 

 

 

 

 

 

 

Voyageons léger, léger et avisé.

Les cadeaux d'abord.

Puis remplir la petite valise avec les combinaisons judicieuses de mes vêtements préférés.

Couleurs et textures : noir, rouge et taupe, jeans presque cuir, blousons tout à fait cuir, chemisiers qui vont de soi. Plissés, transparents, amples et doux. Tee-shirts manches longues rouille, gris, noir, orange. Sous-vêtements corail, rose indien, noir et bois de rose.

Petites chaleurs, grosses fraîcheurs d'avril, feux de bois, cashmere, bébé alpaga, leggings et chaussettes en laine de chevreau blanches, écrues, taupe et collants noirs à l'unanimité.

 

Trousse de vitamines, médicaments. Trousse de crèmes et produits de beauté. Vive, efficace, une voyageuse aguerrie.

Trousse de maquillage : Alerte !

 

Depuis longtemps, j'ai cassé tous les boîtiers duo d'ombres paupières. Posés sur le plateau de la vieille machine à coudre noire et or Singer transformée en table de maquillage, ils gisent pulvérisés.

Vite, scotcher les deux boîtiers YSL, renoncer à la gym. Se déshabiller pour se rhabiller, empocher le cher boîtier boiteux, le seul, l'unique, l'indispensable « corail et taupe » et d'un coup de vélo montrer le tout chez Marionnaud pour trouver le même mais valide, costaud, le boîtier voyageur.

 

Je sais ce que je veux, sors le boîtier orphelin, le rescapé de ma brusquerie.

« On ne le fait plus. Mais nous avons les mosaïques. »

Tour de mosaïques donc, mosaïques irisées, subtiles, gourmandes et chaudes.

« Voulez-vous que je vous maquille ? »

Je bafouille que je suis maquillée avec le duo YSL sans préciser que je l'avais acquis soldé. Je sais me taire lorsque je mesure l'enjeu.

 

Flash beauté donc, je l'apprendrais sur la facture : « Flash Beauté : 00,00 euros ».

 - « Couture Palette Afrique YSL, 5 couleurs dont une de base, une deuxième illuminatrice » sur les paupières. 

Je maîtrisais le duo, je pensais duo, voulais, réclamais duo. Et me voilà, irisée, pailletée jusqu'à mes vieux jours fardés.

 

Détaillons les opérations dans l'ordre et tâchons de nous en souvenir :

 

- Le moyen clair, la base cuivrée, c'est simple, appliquer sur toute la paupière.

Lire sur l'emballage à ne jeter en aucun cas : Case B comme Base (en haut à gauche de la boite).

 

Repérer les « 1, 2, 3 couleurs » (cases centrales « couleurs ») à ne pas confondre avec la case H (en haut à droite). H comme Highlighter. Relire, reprendre la notice enfuie de la boîte. Cinq cases et me voilà à confondre « base », « couleurs » et « illuminateur ».

Le H s'applique à la fin, sous l'arcade sourcilière, or clair.

Border les cils, allonger l’œil avec la couleur 1, chocolat au lait. 

Et je viens de trouver le minuscule petit pinceau caché dans l'écrin noir.

Youpi!

Garnir la paupière mobile avec la couleur 2, vieil or.

Avec la couleur 3, rose-orangé, poursuivre autant que possible sans recouvrir toute la base. Modeler!

Illuminer avec H sous le sourcil, dans le coin intérieur de l’œil.

 

Noter la présence d'un applicateur à deux embouts, l'un rond, l'autre en pointe.

L'embout pointu servira au bord de l’œil à allonger sans démesure. Je suis à peu près certaine que mouillé, le petit pinceau  pourrait faire eye liner.

Jamais réussi un seul eye liner. A vérifier dimanche s'il y a du soleil, avant la gym et s'il n'y a personne à la maison.

L'embout rond sert à étaler, fondre, confondre les illuminations modelées.

 

J'observe le visage de la maquilleuse. Quelques boutons blancs entre commissures et joues, joues et tempes, tempes et front, mûrs au point d'en extraire le petit ver de sébum, s'esclaffent. Ailleurs, autour, des boutons morts, vides et secs, pèlent. Deux ou trois boutons de rose fleurissent, de l'acné. Je ne vois plus que les boutons sous les fards clairs et mats.

Tout le monde avance masqué, je ne le suis pas encore mais vais l'être.

Pudeur, vertiges, frayeurs, le tout alterne, varie, une enfant de cinquante ans passés ne pleure plus mais serre les poings crânement.

Encore jolie, déjà mûre, pas encore fanée, fripée mais cernée, marquée au moindre manque de sommeil, il me faut de l'attention, du savoir-vivre, une régularité et plus aucun excès. Presque âgée, d'un certain âge, me voilà frémissante, émotive.

 

 Elle m'applique la "Nouvelle Terracota Guerlain", un blush bonne mine étiré des joues jusqu'aux tempes et me tend le miroir. La barre orangée n'épargne que mes oreilles. Dieu merci.

Je crie "Estompez!" Puis  au deuxième essai d'estompage, je sors mon mouchoir pour absorber le feu passé à l'orange. Vade Retro Terracotta!

 

Arrivée à la caisse, carte de fidélité en main, elle m'interroge « Avez-vous reçu notre texto de promotion? ».

Non, personne ne me dit rien. Jamais rien.

« Eh bien, pour l'achat de deux produits de maquillage, le troisième vous est offert. Le moins cher. » me rassure-t'elle. Tout me paraît sophistiqué, un peu cher, pas donné dans l'ensemble. Je devrais peut-être m'enfuir.

Elle doit me ferrer davantage. "Je vous parfume?".

Je ne proteste pas, je suis déjà un peu parfumée du matin, "Premier figuier". J'ai un peu peur et murmure "doux et vanillé! Shalimar?".

Elle me vaporise l'intérieur du poignet d'Hypnotic Poison. Je respire prudemment, attends que l'alcool s'envole et finis par agréer l'odeur "fine et féminine". Elle me parfume. Le poisson a mordu l'hameçon irisé.

 

De quel deuxième miracle pourrais-je avoir besoin pour en mériter un troisième?

"Un mascara, on a toujours besoin d'un petit mascara chez soi."

Non! Le mascara n'est pas mon animal familier favori. Il s'accorde mal au vélo en plein vent le long des quais du Rhône.

« Un vernis ? ».

Rose indien, orange Kubrick, j'ai déjà commis ces fautes de goût.

"Un blush?". J'esquisse un « Moui » comme un indien envisage la colonisation du blanc civilisé et la mouise généralisée de toute les tribus des american natives.

 

 Duo de blush « Rose aux joues Peach Boy » Guerlain. 

Un duo, enfin! Le corail aussi franc que puissant me monte aux joues tandis que le rose saumon doux et irisé me rassure et m'illumine définitivement.

« Peach boy », j'imagine un garçon glacier fan des Beach Boys piquant un fard devant une starlette en maillot rouge. Alerte à Malibu! Drapeau rouge plus qu'orange et baignade à vos risques et péril.

Sourire dans le petit miroir à main. Sourire dédié aux indiens, amérindiens, incas, mayas, aztèques, aux Beach Boys, au garçon glacier bouleversé, à l'érythème fessier des bébés sur la plage.

 

Troisième miracle. Le mériter. Ne pas donner de la tête comme une chèvre soudain désentravée.

Un brillant à lèvres, un gloss!

L'esthéticienne aux boutons ne fleurit pas. Nous passons en revue les tubes avec pinceaux de mousse. Rouge orangé, rouge orangé rosé, rouge orangé nacré, orange rosé nacré, rose nacré. Vingt traits de couleur s'alignent sur la main de la testeuse, je confonds tout, veux celui qu'elle n'a plus, me rabat sur celui qu'elle ne trouve pas. 

 

Assez de miracle, j'ai faim, je vais m'évanouir maquillée, torturée comme une poupée Barbie sur fond de moquette rouge.

Souffle au cœur, crise d'apoplexie, je meurs. Je meurs en refusant le dernier verre de rouge, l'ultime rouge à lèvre de l' Homme qui rit, le rictus narquois du Joker.

Je défaille dans cet étroit couloir de mort annoncée. Le ridicule tue, saigne les vieilles peaux en sanglots et rires poisseux.

 

Un appui, la gondole YSL.

Oh gondolier, Oh gondolier! Qu'est-ce que c'est ce truc?

Le petit feutre clair, là!

« La Touche Éclat YSL » ! Promet « un regard lumineux et intense ». Oui mais, comment?

Aussitôt dit, me voilà à nouveau juchée sur la chaise d'arbitre. Roland Garros, la der des der. Federer. Le feutre s'active sur les cernes, sous l'arcade sourcilière.

Le miroir à main me montre la belle-mère de Blanche-Neige apaisée. Scintillante, pastellisée, irisée mais apaisée.

 

Un dernier doute m'assaille à mesure que nous vérifions les trois souhaits. Mon cœur s'emballe de nouveau. Le duo blush Guerlain « Rose aux Joues » n'est-il pas trop vif à mon âge ?

« Bonne mine, seulement une bonne mine » me répond-elle assurée.

Des échantillons ruissellent dans le sac. J'arrête la tombée de fond-de-teint d'un geste. Le jeune comme le vieil indien refusent le beige baveux dans son étui. Avène, Couvrance, peaux sensibles et intolérantes, couvre sans en avoir l'air.

« Parapharmacie ? ».

Oui. Le sourire des cicatrices après un accident de voiture, tête à travers le pare-brise. Ce que je dis peu, je me suis habituée.

 

Mon vélo fend l'air frais. A peine rentrée, je déballe, défais les notices, lis, peine à comprendre, ré-enfourne les notices.

Qui Diable a inventé le maquillage ? Qui maîtrise les palettes à cinq cases, une base, trois couleurs et un illuminateur ?

Je ne veux pas savoir, me démaquille avec soin et me trouve jeune.

Jeune et saine sans maquillage.

Tout ça pour ça, j'entame chant et danse d'indien. J'allais écrire « enfant ».

Bientôt dimanche, peintures de guerre s'il y a un peu de lumière.

Demain, il va pleuvoir ou presque.

 

Je suis presque âgée, presque jeune.

 

Pour l'instant.

 

 

 

 

 

 

 

 

V.V

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